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    La mémoire des enfants rescapés du ghetto

     

    Parmi les nombreuses injustices qui font 

     

     bondir d’indignation les « honnêtes gens », il en

     

    est une qui est pratiquement passée inaperçue.

     

    Le 12 mai 2008 à Varsovie s’est éteinte discrètement à 98 ans Irena Sendlerowa, mieux connue sous le nom de Sendler.

     

    Dès les premiers jours de l'occupation allemande, cette assistante sociale catholique travailla au Département de l'Aide Sociale à la mairie de Varsovie où elle organisa l'aide aux familles juives pauvres de la capitale polonaise qui furent ensuite parquées dans un quartier de la capitale par les occupants nazis.

     

     Elle rejoignit la section d'aide à l'enfant, un groupe clandestin qui se forma sous la direction de l'écrivain et résistant Jan Dobraczyński pour placer les enfants juifs dans des orphelinats ou familles d'accueil et leur fournir de faux papiers.

    À partir de l'automne 1940, prenant des risques considérables, Irena Sendler s’acharna à apporter de la nourriture, des vêtements ou des médicaments aux habitants du ghetto. Lorsqu'elle parcourait les rues, elle portait un brassard avec l'étoile de David, à la fois par solidarité avec les juifs et par souci de ne pas attirer l'attention sur elle. Elle faisait sortir clandestinement des enfants du ghetto en les cachant dans des valises, ou sous les manteaux de son équipe d'assistantes sociales. Certains de ces enfants se sont enfuis par un trou dans le mur du ghetto, d'autres sont sortis dans des camions de pompiers, des ambulances, des bennes à ordures.

    Elle hébergeait ensuite ces enfants dans des familles catholiques et des couvents et notait soigneusement leurs noms, prénoms et ceux de leurs proches sur de fines feuilles de papier en double exemplaire qu'elle introduisait dans des bouteilles qu’elle enterrait ensuite dans la cour d'une école, afin de permettre de pouvoir un jour réunir les familles. On estime qu’elle a contribué au sauvetage d'environ 2 500 enfants juifs.

    Le 20 octobre 1943, elle fut arrêtée par la Gestapo. Ses tortionnaires lui brisèrent les pieds et les jambes, mais elle refusa de donner les noms de ceux qui l’avaient aidée. Condamnée à mort, Irena fut libérée par miracle juste avant son exécution, grâce à la résistance polonaise et notamment le  mouvement Zegota, qu’elle avait rejoint à la fin de l'été 1942.

    Elle continua son combat clandestin sous une

     

    autre identité jusqu'à la libération.

    Après la guerre, elle transmit la liste des noms et des familles d'accueil qu'elle avait précieusement conservés au président du Comité Juif en Pologne, Adolf Berman.

     

    Cette liste permit aux membres du comité de retrouver environ 2 000 enfants, mais aucun des parents des enfants qu’elle avait sauvés, n’avait survécu aux camps d’extermination, certains étaient morts de faim ou de maladie, les autres avaient été gazés au camp de la mort de Treblinka.

    Mais cela ne l’empêcha pas d’être persécutée par les autorités du parti communiste polonais à cause de ses liens avec le gouvernement polonais en exil, alors qu’elle supervisait des orphelinats et des maisons de retraite.

    En 1965, le Yad Vashem, mémorial israélien de

     

     l'holocauste, lui décerna le titre de « Juste

     

     parmi les Nations », et ce fut la première fois

     

     que le gouvernement communiste lui permit de

     

    quitter le pays pour recevoir sa récompense en

     

    Israël.

     

    Ce n’est que quarante ans plus tard, le 10 novembre 2003, que l’État polonais honora cette femme exceptionnelle en lui remettant l’Ordre de l’Aigle blanc, la plus haute distinction civile en Pologne. Elle reçut ensuite le Prix Jan Karski, attribué par le Centre américain de la culture polonaise à Washington, et les félicitations du Pape Jean-Paul II pour sa conduite pendant la guerre.

     

    En mars 2007, le gouvernement polonais de  

     

    Lech Kaczynskiproposa qu'elle soit élevée au

     

    Rang d'héroïne nationale. Le sénat approuva

     

    cette décision à l'unanimité et recommanda sa

     

    candidature au prix Nobel pour la Paix.

     

    Mais le prix fut décerné à Al Gore, ancien Vice Président des États-Unis pour son travail sur le réchauffement planétaire. Il est « normal » dans notre société actuelle qu’on ait préféré récompenser un homme public qui a toujours soigné sa popularité à cette humble femme qui a sacrifié sa vie aux autres et disait : « Je continue d'avoir mauvaise conscience d'avoir fait si peu ».

    L’attribution du Prix Nobel à Irena Sendler aurait pourtant été très symbolique car il aurait été le premier attribué pour une action en rapport avec l’Holocauste,
mais cette résistante exceptionnelle qui a toujours refusé le statut d'héroïne se souciait peu de titres assez artificiels.

     

    Trop faible pour assister aux cérémonies

     

    organisées en son honneur en mars 2007, elle

     

    écrivit alors une lettre qui fut lue par Elzbieta

     

    Ficowska, qu’elle avait sauvée en 1942, alors

     

    qu'elle n'était qu'un bébé.

     

    Dans sa lettre, elle appelait « tous les gens de

     

    bonne volonté à l'amour, la tolérance et la paix,

     

    pas seulement en temps de guerre, mais aussi en

     

    temps de paix ».

     

    La rescapée choisie pour lire la lettre a

     

    ajouté « L'instinct de survie nous pousse à nous

     

    sauver nous-mêmes. Elle, elle a sauvé les

     

    autres ».

    Irena Sendler est longtemps restée ignorée du monde, et même peu connue en Pologne. On peut comparer son cas, à celui d'Oskar Schindler, qui est mort dans la pauvreté en Allemagne, et serait resté inconnu du grand public sans le film que Steven Spielberg lui a consacré.

    Aussi, la cinéaste américaine Mary Skinner a mis en images 70 heures d’interview et 4 ans de travail passés à consulter les archives, les experts en histoire et des témoins.

     

    Ce téléfilm ne peut être comparé au film

     

    exceptionnel qui a valu un Oscar à Spielberg,

     

    mais il a le mérité de faire découvrir au grand

     

    public une période honteuse pour l’humanité, et

     

    surtout l’entraide qui s’est développée dans une

     

    partie de la population, comme ce fut le cas

     

    pour certains héros de la résistance. Faudrait-il

     

    de nouveaux drames pour qu’elle renaisse ?

     

    Sylvie Simon

    Le film est sorti le 5 octobre 2010 en DVD/Vidéo.

     

    Il existe des liens sur Internet pour promouvoir cette vidéo.

     

     

     


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